Difficile de trouver un fil à suivre pour parler de la dernière rencontre du nouvel an au Foyer Michael, organisé par l’association Jeunesse et Anthroposophie (anciennement Carminem) et la Fondation Paul Coroze… Le sujet était si vaste, les expériences si nombreuses et intenses… Comment vous faire sentir un peu la qualité de cette rencontre, ses implications pour la vie de chacun et de nous tous ; comment, avec des mots, parler de l’ineffable ? D’autant plus que nous avons pu mesurer à quel point il était difficile de partager quelque chose d’aussi intime et universel que l’amour avec des mots. Car oui, le thème de cette année était l’Amour ; avec un titre qui sonnait pour beaucoup comme un prétexte : « l’amour n’est-il qu’un sentiment ? » mais qui pour d’autres était une réelle question ! Vous voyez comment, déjà là, le champs des possibles et des expériences était immense.
Commençons simplement alors : nous étions une quarantaine de tous âges, avec une moyenne plutôt jeune, ce qui, pour ma part était très rafraîchissant, à nous retrouver dans ce lieux merveilleux qu’est le Foyer Michael. Les étudiants nous avaient laissé leurs chambres. Le programme à première vu était extrêmement chargé : rendez-vous tôt le matin pour un petit déjeuner et des activités qui s’enchaînent jusqu’à tard le soir. Je me suis dit que jamais nous ne tiendrions le coup. Pourtant si : l’organisation millimétrée avait trouvé une belle harmonie entre les moments de réflexions en petits groupes, les moments d’échange en plénum (oui à 40 !), les moments plus physiques, les ateliers artistiques, les apports sous forme de conférence, les repas pris ensemble, les tâches à accomplir pour la bonne marche de la rencontre… Bref, tout ce qu’il fallait pour ne pas aborder le thème uniquement par la pensée, mais bien aussi par le sentiment et la volonté. Et c’est là que la magie opère. Car chacun était venu avec son vécu, ses visions du monde, ses espoirs, ses préjugés, mais aussi par la volonté de se remettre en question. Nous avons creusé, nous avons affiné notre compréhension de ce qu’est l’égoïsme, la sagesse, les formes de l’amour… Chacun a essayé de comprendre les autres et de se faire comprendre. Et nous nous sommes rendu compte de l’impossibilité de se relier aux autres par la pensée. De par le processus même du dialogue au niveau de la pensée, qui vient certes d’une volonté de se relier mais aussi d’endormir l’autre ou de se laisser endormir (c’était un des thèmes abordés dans les petits groupes, cf. la conférence de R. Steiner…). Et aussi par le fait que même si on arrive à se faire comprendre ou à comprendre l’autre, on n’arrive au final qu’à penser le ou les mêmes concepts, rien de plus. Qu’est-ce qui nous reliait alors ? Qu’est-ce qui nous relie ? Comment se relier ? A force de réflexion, mais aussi comme je le disais, par toutes les autres activités, nous avons fini par entrevoir comment parfaire l’expérience de l’amour. Dans l’intérêt et l’attention portés aux autres, à soi, aux activités ; dans les traits du pinceau sur la feuille de papier, dans le partage des repas, dans l’écoute de l’autre, dans l’écoute de soi-même, dans les mouvements de son corps, dans le frémissement du silence… Il y a eu, d’après moi, des signes que quelque chose de neuf avait émergé, que quelque chose d’ineffable avait eu lieu : Le dernier jour, nous avons enfin réussi ce jeu où nous sommes tous en cercle et chacun doit, à un moment, faire un pas en avant ; mais si deux personnes font un pas en même temps, alors on a perdu et on doit recommencer. Il faut pour cela une qualité d’écoute et de présence exceptionnelles. Il y a aussi eu ce magnifique silence lors de notre dernier cercle, où les témoignages des uns et des autres étaient d’une richesse et d’une intensité rares.
Oui, je suis persuadé que chacun a pu faire, plus ou moins consciemment, l’expérience de l’amour. Je ne peux en dire plus au risque de figer dans des mots quelque chose d’essentiellement libre, vivant, profond, puissant et lumineux. Et c’est en cela que je parle d’initiation moderne. Un chemin fait en toute liberté, où chacun est guide et disciple à la fois ; où chacun repart avec de nouvelles compréhensions, certaines choses devenues des acquis après des années de maturation mais aussi avec de nouvelles forces vives, de nouvelles pistes d’explorations, des graines pour un travail à venir.
En arrivant quelqu’un m’avait dit : C’est la première fois que tu viens à la rencontre du nouvel an ?– oui – tu vas voir, ça va te donner des forces pour toute l’année à venir !
Et bien si c’est comme ça à chaque fois, alors c’est sûr, vous m’y verrez l’année prochaine. Et je tiens encore à remercier tous les participants et toutes les personnes qui de près ou de loin ont permis à cette rencontre d’exister.
B. Berrier