Home » . » Page 4

Catégorie : .

Les Anges de Travers

 

En janvier dernier, la Fondation Paul Coroze me proposait d’écrire un témoignage sur mon expérience. J’ai accepté avec grand plaisir. Puis est venu le temps de l’écriture… et aussi celui des doutes… Par quoi commencer ? De quoi parler ? Quel ordre choisir ?

Alors j’ai simplement décidé de laisser parler mon cœur. Et tout naturellement ce sont, avant tout, d’immenses et chaleureux remerciements qui introduiront cet article. C’est essentiellement grâce au soutien de la Fondation Paul Coroze que j’ai pu, en septembre 2017, intégrer l’École Actéon et suivre sa formation professionnelle de l’acteur durant 3 ans. La Fondation Paul Coroze m’a permis de financer une grande partie de cette formation, grâce à des dons (bourses) annuels ainsi que des prêts étudiants. Sans ce soutien, je n’aurais jamais pu intégrer cette formation et espérer pouvoir me rapprocher si près de mon rêve ou plutôt de mon objectif de vie.

Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu faire du théâtre. Toute petite, je participais déjà à de nombreux ateliers, puis j’ai intégré des groupes amateurs. À 18 ans, j’ai débuté mes études en Arts du Spectacle, à l’université Paul Valéry de Montpellier. J’ai obtenu une licence en 2008. Puis, après l’obtention d’un Master Direction Artistique de Projets Culturels en 2010, est arrivé le moment important d’entrer dans la vie active.

Pendant mon cursus de 2 ans (Master), j’avais intégré la galerie d’arts contemporains Hambursin-Boisanté, comme stagiaire. Une fois le diplôme obtenu, cette galerie m’a recrutée comme assistante galeriste. Hélas, quelques mois seulement, la galerie ayant fermé. Ce fut très difficile de retrouver un emploi dans le secteur artistique et culturel. J’ai dû enchaîner des petits contrats… Mais fort heureusement, ça n’a pas duré longtemps. 

Au bout de quelques mois, j’ai eu la chance de rejoindre la Régie Scène Cinés, où je suis restée 5 ans. J’y ai débuté comme médiatrice culturelle au cinéma de Fos-sur-Mer, puis je suis devenue responsable jeune public et chargée des relations publiques au Théâtre La Colonne de Miramas et, pour finir, au théâtre de Fos-sur-Mer. Ces missions me plaisaient énormément. Il s’agissait de faire découvrir le théâtre aux enfants et adolescents, leur proposer diverses activités culturelles et artistiques autour des spectacles. Mais aussi d’assurer le lien avec les compagnies et les publics pour la programmation.

Cependant, comme en filigrane, quelque chose me manquait profondément. Créer, inventer, jouer ! Chaque fois qu’une compagnie arrivait et se produisait au théâtre, un étrange sentiment de mélancolie et d’envie m’envahissait.

L’année de mes 28 ans, j’ai décidé de sauter le pas, convaincue que si je ne tentais pas ma chance, à ce moment-là, je ne le ferais jamais. J’ai démissionné et j’ai cherché et testé différentes formations professionnelles de l’acteur. La majorité des formations étaient exclusivement réservées aux personnes de moins de 25 ans, d’autres étaient extrêmement chères ou avec un contenu décevant et parfois les deux. En 2016, j’ai repris le théâtre amateur au sein de l’École Actéon, sans même savoir qu’elle proposait, en plus des cours amateurs, un cursus professionnel.

Au bout de quelques mois de cours hebdomadaires avec Wilhelm Queyras, plus aucun doute possible, j’avais bel et bien trouvé l’école que je souhaitais intégrer pour apprendre le métier de comédienne. Le directeur m’a parlé de la Fondation Paul Coroze et de ses actions et aides aux formations. C’est à ce moment-là que l’aventure a commencé ! 

La formation dispensée est unique et novatrice. Elle est basée sur l’imagination par l’action et issue du Cours aux acteurs de Rudolf Steiner. Pendant 3 ans, j’ai été formée à de très nombreuses techniques artistiques, comme :

-l’interprétation, en passant par le conte, la poésie, la tragédie,

-l’art de la parole, avec une technique spécifique de l’École Actéon,

-l’improvisation,

-la comédie.

J’ai aussi découvert de nombreux autres arts et pratiques artistiques comme le chœur parlé, l’eurythmie, la danse Laban, et j’ai participé à plusieurs stages d’approfondissement portant sur le clown, le mime, la commedia dell’arte, les masques, l’escrime théâtrale, les cascades, la mise en jeu face à une caméra. Au-delà des techniques et de l’art lui-même, cette formation a été, plus que tout, une merveilleuse aventure humaine et spirituelle. Trois années faites de rencontres avec des personnes extraordinaires, que ce soit parmi mes camarades ou au sein même de l’équipe pédagogique. Ensemble, nous avons pu créer et monter de beaux projets, et continuons encore à ce jour.

Ma formation à l’École Actéon s’est terminée, mais l’aventure continue de plus belle ! Il y a deux ans, avec un de mes camarades, devenu mon compagnon, nous avons créé, en parallèle de notre formation, notre propre compagnie de théâtre. Elle a pour nom « Les Anges de Travers ».

Nous travaillons actuellement à la création de notre tout premier spectacle « L’Homme poubelle : Ensemble vers l’Harmonie Sociale ! ». Nous espérons pouvoir le présenter au public en septembre 2021. C’est un travail titanesque que nous avons entrepris. En effet, nous assurons, seuls, tout le côté artistique mais aussi toutes les fonctions administratives. Et la crise sanitaire que nous traversons n’a, bien sûr, pas facilité notre travail. Cependant, nous avons la chance d’avoir noué des partenariats, le premier avec l’École Actéon, dont les fondateurs et dirigeants continuent à suivre, amicalement, nos avancées et nous permettent de travailler dans les locaux de l’école. Le second avec le théâtre 11 Gilgamesh Belleville, qui nous soutient dans nos projets. 

Le métier de comédien est dur et éprouvant, tant physiquement que mentalement, et ne nous permet pas, à ce jour, de vivre financièrement de manière aisée, surtout dans le contexte actuel. Mais forts de nos motivations et convictions, nous avançons quand même et avec plus de force, de rage et de passion. Certes, cela nous demande beaucoup d’engagement et d’implication, mais c’est aussi la vie la plus épanouissante que j’aie pu connaître, et j’ose dire qu’elle est merveilleuse. À force de travail, petit à petit, nous voyons s’esquisser ce dont nous rêvions en commençant la formation avec Actéon. Et nous avons bien l’intention de concrétiser et faire vivre ce projet.

Nous espérons, bien sûr, à plus long terme, développer notre compagnie et partager notre univers et notre passion, par d’autres créations. Et je forme le vœu, au détour d’éventuelles collaborations futures avec la Fondation, de pouvoir aider, à notre tour, d’autres personnes à réaliser leur rêve.

Floriane Douat

La compagnie Les Anges de Travers
est à retrouver sur Facebook : 
@cielesangesdetravers

 

Image : Floriane lors de la pièce de théâtre “L’homme poubelle : Ensemble vers l’Harmonie Sociale”.  Photo : Les Anges de Travers

La tête et les mains

Après une maîtrise en sciences naturelles à Orsay, j’ai fait de 1984 à 1986 la formation pédagogique au Centre Perceval de Chatou, promotion Victor Hugo. À plusieurs reprises, René Querido est venu nous donner des cours. Nous avions pris l’habitude de nous retrouver au café durant les pauses, pour discuter. 

René nous a aussi parlé d’un centre de formation en Californie et de l’année de formation artistique. Cela m’a tout de suite accrochée ! J’ai fait une demande d’aide à la Fondation Paul Coroze et j’ai eu le plaisir de recevoir une bourse. En août 1986, je suis partie avec une valise pour Sacramento, Californie, pour un an… J’y ai suivi la formation artistique avec Theodore (Ted) C. Mahle. 

Tout doucement, mon anglais s’est amélioré en même temps que mon travail artistique. Quel bonheur que de pouvoir peindre ou dessiner toute la journée. Ce fut un temps de recherches et de rencontres et j’ai trouvé la personne qui allait être mon mari et le père de mes 3 enfants. 

En juin 1988, nous avons quitté la Californie pour le New Jersey. Mon mari a pris la 4e première classe de l’école Waldorf de Princeton. Pendant 16 années, je me suis occupée des élèves du jardin d’enfants l’après-midi. J’ai aussi donné des cours de français pendant un an. Par la suite, j’ai été assistante puis professeur de travaux manuels. 

Je suis devenue bilingue, mais les enfants apprennent la grammaire d’une langue en la parlant, je ne pouvais donc pas leur être un bon modèle. C’est pourquoi je n’ai jamais voulu devenir professeur de classe. J’aspirais à devenir professeur des grandes classes, mais l’école de Princeton n’a jamais pu se lancer dans cette aventure, jusqu’à ce jour.

2003-2004 a été une année très difficile pour l’école de Princeton et j’ai dû la quitter. C’est l’année où mes parents ont découvert l’école d’Avignon au marché de Noël. Je me souviens de leur avoir dit en plaisantant, alors qu’ils me relataient leur visite : « J’y serai en septembre ! »

Il faut faire attention à ce que l’on dit, car effectivement, à la rentrée de septembre 2004, je fus présentée avec les nouveaux professeurs de l’école Waldorf en région d’Avignon à Sorgues ! J’y enseigne les travaux manuels de la 6e à la 11e, et la biologie de la 9e à la 11e classe. 

Pendant 3 ans, nous avons eu la chance d’avoir une 12e classe, ce qui était formidable pour les cours de biologie. Un grand puzzle se mettait en place. 

En plus de mes cours réguliers, je fais des incursions dans le primaire en travaux manuels. Cette année, j’apprends aux enfants de 1ère à tricoter et je me régale d’être avec les tout-petits. On me demande aussi de plus en plus de faire des cours de physique-chimie en moyennes classes et, occasionnellement, des cours de mathématiques et de biologie.

Être polyvalente me semble une nécessité dans nos petites écoles. De plus, en enseignant de la sorte, j’ai trouvé un bel équilibre entre la tête et les mains.

 

Annick Trémel

 

Image : Patchwork des élèves pour les cent ans de la pédagogie Steiner Waldorf. Photo  : Annick Trémel. 

 

Didascali : un nouvel élan

Didascali, c’est :

-un centre de formation, implanté à Sorgues, créé en 1997, avec, depuis 2010, en moyenne, entre 50 et 60 participants chaque année, venant surtout du sud de la France, dans deux promotions en parallèle,

-une formation à la pédagogie Steiner-Waldorf sur trois ans, destinée aux praticien.ne.s de l’éducation de l’enfant et de l’adolescent, une grande partie étant déjà en poste dans des écoles Steiner-Waldorf,

-un enseignement abordant aussi bien la petite enfance (0-6 ans) que l’enfance et l’adolescence (6-18 ans),

-une formation répartie sur 9 week-ends par an et trois sessions de 4 à 5 jours avec, en outre, deux semaines de stage chaque année dans des structures Steiner-Waldorf, et

-une organisation au sein d’une coopérative d’activités qui s’inscrit dans le cadre de l’économie sociale et solidaire et dans la certification qualité Qualiopi.

Bref historique

Didascali a vu le jour au milieu des années 1990, quand l’école Steiner-Waldorf de Sorgues ne comptait que quelques dizaines d’élèves. Le lien est resté fort : tous les cours ont actuellement lieu à l’école. Les bureaux se trouvent depuis quatre ans dans un hangar aménagé en bureaux, avec une attention à la beauté et à l’écologie – directement en face de l’école.

En 2010, Didascali a ouvert deux promotions departicipants et a abandonné le statut associatif.

L’équipe pédagogique a connu plusieurs changements depuis 2017.

Une équipe pédagogique enrichie

Aujourd’hui, la formation est portée par une équipe motivée de formateurs permanents, notamment Marie-Caroline Bakke, Emmanuelle Bialas, Fabienne Defèche, Aline Jandl, Nienke Maas, Marcella Trujillo, Marie-Anne Steiner et Willem Meesters, qui est depuis 2013 responsable de l’établissement Didascali dans le cadre de la coopérative d’entrepreneurs Oxalis.

Didascali a le plaisir d’accueillir cette année Ethel Sarafis comme responsable de l’Option Petite enfance et Virginie Gasperitsch pour les Travaux manuels.

L’équipe élargie compte d’autres formateurs réguliers qui interviennent deux à quatre fois par an : René Becker, Patrick de Beukelaer, Thomas Daviaud, Daniela Hucher, Philippe Perennès, Philipp Reubke, Jost Schieren, et Rachel Stehli, ainsi qu’une vingtaine d’intervenants ponctuels.

L’équipe qui porte la structure de Didascali

Pour l’équipe portant la structure au quotidien, un vent nouveau souffle avec la venue en mai 2021 de Mathilde Becker (en remplacement de Catherine Pouleur) pour la gestion administrative et les relations avec les étudiants, ainsi que de Fanny Mallet, pour le volet juridique et la communication. Cela permet à Reynald Devanlay, qui a été particulièrement dévoué à Didascali depuis plus de 10 ans, d’alléger progressivement sa charge de travail au cours de l’année à venir, selon son souhait. Tamara Farin intervient toujours pour l’organisation des Journées découvertes et des Portes ouvertes.

Le passage par le confinement

Comme toute structure de formation, l’équipe Didascali a dû inventer une alternative à son fonctionnement habituel lors du premier confinement. Chaque participant a suivi environ 45 cours à distance, par visioconférence, entre mars et juin 2020. Depuis juin 2020, les cours organisés dans le cadre de la formation professionnelle ont pu avoir lieu sur place, avec bien sûr quelques adaptations.

Ce confinement nous a ouverts à utiliser davantage les outils technologiques, ce qui donne aujourd’hui un nouvel essor et une nouvelle efficacité à notre organisation. Ponctuellement, les visioconférences sont utilisées avec les étudiants dans certaines circonstances et elles permettent de faciliter les réunions avec les membres de l’équipe.

Un présent fort de potentialités

Aujourd’hui, Didascali a mis en place de nouvelles habitudes de travail dans le cadre d’une démarche visant à attester de sa qualité et à renforcer son rayonnement. En effet, pour que les participants puissent continuer à bénéficier d’une prise en charge par l’intermédiaire de leur employeur, via son Opérateur de Compétences (OPCO), les organismes de formation en France doivent obtenir la certification Qualiopi. La certification a été obtenue en avril 2021 suite à un audit d’une journée sur place. Le travail, très conséquent, menant à la certification a été réalisé avec le soutien ô combien précieux des collègues d’Oxalis.

Cette démarche et les retours de l’auditeur ont mis en lumière les atouts de la formation :

-la possibilité pour les participants de faire régulièrement des stages dans les écoles Steiner-Waldorf en France et à l’étranger, et d’avoir des perspectives de nombreux débouchés professionnels dans le mouvement Steiner-Waldorf,

-des partenariats maintenus avec l’université Alanus en Allemagne, le réseau international Inaste, et d’autres centres de formation, comme l’Institut Méditerranéen de Formation d’Avignon pour son diplôme Éducateur.trice de Jeunes Enfants (EJE), avec lequel Didascali a récemment officialisé un partenariat,

-un fonctionnement s’appuyant sur la coopération et le dialogue étroit entre les formateurs et les participants, ainsi qu’entre l’équipe et les délégués de promotion, et

-des valeurs humanistes et une ambiance de travail conviviale.

Des projets à court, moyen et long termes

Le projet de l’équipe à court terme est de travailler plus consciemment sur un projet pédagogique cohérent, sur trois ans, et sur un accompagnement individualisé de qualité pour les étudiants.

En effet, une grande partie des personnes en cours de formation travaillent déjà dans des écoles Steiner-Waldorf, ce qui constitue une tendance depuis quelques années. Cela demande une adaptation de l’offre de formation, car il s’agit désormais de trouver un bon équilibre entre les apports de substance, les cours artistiques et les ateliers de pratique pédagogique.

Didascali a également pour but d’accroître sa visibilité en se faisant mieux connaître au sein du mouvement des écoles Steiner-Waldorf et au-delà, notamment en améliorant le site Didascali.org, en lien avec la Fédération Steiner-Waldorf, dans le cadre d’une démarche proactive de communication. En outre, nous mettons en œuvre des Journées découvertes, des supports de communication variés et une attention constante à la démarche qualité.

Un projet à long terme est d’obtenir une reconnaissance pour des modules de Certification de Qualification Professionnelle (CQP), voire, plus tard, une reconnaissance Répertoire National des Certifications Professionnelles (RNCP). Actuellement, la formation Didascali représente pour un participant des frais d’un montant de 10 000 euros pour les trois années. Or cette reconnaissance supplémentaire permettrait d’élargir les prises en charge au-delà des OPCO, notamment d’ouvrir la possibilité d’utiliser le Compte Personnel de Formation (CPF).

La force de la Fondation Paul Coroze

Dans ce contexte de prise en charge limitée et d’absence de subventions publiques, toute l’histoire de Didascali n’aurait pas été aussi dynamique sans le soutien solide et fidèle de la Fondation Paul Coroze, qui, chaque année, soutient généreusement de nombreux participants, en leur offrant des bourses et des prêts d’honneur.

Avec gratitude,

Fanny Mallet,
Willem Meesters

Contact :
mail : info@didascali.org ;
tél : 04 90 14 98 18,
site : www.didascali.org

Image : Cours de botanique avec René Becker dans le cadre de la formation en pédagogie Steiner-Waldorf à Didascali. Photo : Didascali.

Rapport annuel 2020

Chers amis de la Fondation,

2020 ! Une étrange année pendant laquelle bien des processus sociaux et économiques ont été perturbés, mais aussi une année de découvertes et de prises de conscience individuelles. Parmi ces dernières, la pandémie n’a-t-elle pas donné l’occasion d’accroître grandement notre perception de l’interaction entre les échelles macroéconomiques de l’économie mondialisée, celles moyennes des initiatives « collégiales », qu’elles soient économiques ou culturelles, et enfin la micro-échelle quasi individuelle à la base de nos vies ?

La réponse financière des États et de l’Europe ou des États-Unis d’Amérique à la crise économique et sociale révèle, à très grande échelle, la relativité des dogmes fondés sur l’équilibre strict des comptes, dogmes si ancrés dans l’évidence de nos habitudes. Dans une interview récente (1), l’économiste Gaël Giraud souligne l’impasse de la notion d’équilibre des recettes et des dépenses quand il s’agit de la macro-échelle, alors qu’elle s’impose légitimement aux plus petites échelles. À quels niveaux se situent ces ruptures d’échelle ? Comment se placent les fondations dans ce panorama ? À la modeste échelle de la Fondation Paul Coroze, on ne peut certes s’affranchir de cet équilibre dans la durée. Cependant, il doit être vu comme un flux qui va de la conscience généreuse des donateurs vers les demandes de ceux qui voudraient acquérir des compétences nouvelles, fécondes pour l’avenir. Ainsi, cette année encore, la Fondation a œuvré pour réaliser sa vocation, de la façon que, cher lecteur, nous vous invitons à découvrir dans notre rapport 2020.

Pour le Conseil de la Fondation

    

 

 

 

 

François Lusseyran
Président

 

Lire le rapport annuel 2020

 

Note :

1. France Culture, Trois entretiens d’économie pour l’été ; Épisode 2 : Gaël Giraud, La théologie au service de l’économie, 23 juin 2021

Image : Cours de travaux manuels à l’école Steiner-Waldorf de Sorgues, Classe 6. Photo : Annick Trémel

Témoignage : À la poursuite de mon destin

C’est en 2010 que la décision est prise. Je vais plonger pour l’anthroposophie en faisant le Foyer Michaël. À l’époque, je vivais à Paris et travaillais pour Wala France, la filiale qui distribue les cosmétiques
Dr. Hauschka. Je suivais un cours d’eurythmie avec Mia Boutemy et c’est elle qui m’a parlé du Foyer. 

L’année au Foyer a été une découverte : j’ai adoré la gymnastique Bothmer, l’art de la parole et le cours des fêtes. Ce fut aussi une redécouverte intense des arts : dessin, peinture, théâtre et modelage. Et c’est bien la peinture, notamment en extérieur, qui m’a marquée le plus. Je m’en souviens comme d’un temps très heureux. Si bien que six ans plus tard, après être devenue professeur Waldorf à Londres puis à Strasbourg, enceinte de mon deuxième enfant, je me suis inscrite pour l’année d’approfondissement peinture à l’atelier du Néant, avec James Della Negra. Au Foyer à nouveau ! 

Notre petite famille s’est donc installée à Saint- Menoux et cette année fut l’une des plus fécondes de ma vie sur le plan créatif. Mon projet d’étude furent les madones. Souvent dans mes peintures, les madones s’étaient invitées, alors je décidai d’en faire mon thème principal. La première que j’ai peinte fut la madone du Nord. Puis, lorsque j’ai eu mon fils Yvan, j’en ai peint plusieurs, avec les couleurs du mois où nous étions. Plus tard est venue la madone Rose, un grand format, qui reste mon chef-d’œuvre en matière de madones ! J’ai aussi peint un motif en lien direct avec mon bébé, un croissant au- dessus de la mer. 

À la suite de cette année toute particulière, la peinture a repris une place centrale dans ma vie. J’ai aussi repris un poste de professeur, et j’ai notamment donné des leçons de peinture. 

Mais cette année, c’est encore plus spécial. Je plonge à nouveau. Je plonge pour mon destin : celui d’être peintre. J’en ai rêvé pendant des années. La peinture figure parmi les éléments essentiels dont ma vie doit être remplie, et j’ai décidé de foncer ! En janvier, j’ai créé mon site web pour avoir une galerie en ligne, avec un blog. J’ai finalisé différentes commandes : set de cartes pour les fêtes de l’année (pour décorer la table des saisons), triptyque de Moïse qui écarte les eaux de la mer rouge, balançoire dans le jardin… Un écrin est aussi en fabrication pour la madone Rose, qui est maintenant accrochée dans le cabinet de la sage- femme qui m’a accompagnée lors de la naissance d’Yvan ! 

En plus des créations sur papier ou sur toile, je développe une discipline qui me réjouit beaucoup : peindre sur les murs. Ceux d’une chambre ou de n’importe quelle pièce, comme lorsque j’ai testé la technique à la maison ! Je viens de réaliser une peinture au « bar à pain » de la ferme biodynamique des Béguets. En projet, une nouvelle peinture sur le mur de l’atelier bougies à côté de l’école de la Mhotte. 

À travers mon travail, c’est la douceur que je veux rendre perceptible. Celle que l’on relègue trop souvent loin derrière. La douceur qui permet de s’ouvrir, de trouver beau et de SE LIER. Dans un modèle de société toujours plus hostile à l’humain et ses qualités d’âme, mes peintures viennent toucher, rappeler que la douceur devrait empreindre la majorité de nos actions et devenir la teinte principale de nos relations. Particulièrement nos relations avec nos enfants. Retrouver un lien par la douceur. Et retrouver un lien, c’est aussi retrouver du sens… 

Cette réflexion est le fondement d’un cours artistique que je suis en train de créer, qui s’intitule « peindre pour son enfant ». Un cours dont les fondements sont mes expériences artistiques en tant que professeur et celles en tant que mère. 

Mille projets sont en train de se déployer, à ce jour je me mets à peindre sur toile, à l’aquarelle toujours. D’abord jouer avec l’eau puis insuffler la couleur… Il faut attendre jusqu’au lendemain pour découvrir le résultat sec, et recommencer… ! 

Émilie Strac 

www.emiliestrac.fr 

Enthousiasme et confiance

Chers amis de la Fondation, 

Qu’ils sont souvent rafraichissants, ces remerciements que les étudiants et étudiantes envoient régulièrement à notre responsable des bourses et prêts d’honneur, Maryse Rouzès, et que vous pourrez lire comme toujours à la fin de la lettre. Ils témoignent d’un enthousiasme et d’une volonté d’avancer, mus par des idéaux qui permettent aux pensées et aux cœurs de regarder loin et de fonder leur confiance dans une expérience intérieure. Rudolf Steiner a exhorté à plusieurs occasions ses auditeurs à plus d’enthousiasme, par exemple en octobre 1922 : « C’est en réalité ce qui devrait émaner de l’anthroposophie : être éveillé, avoir de l’enthousiasme, transposer la connaissance en une activité réelle, en actes, de sorte que l’homme ne se satisfasse pas d’avoir des connaissances grâce à l’anthroposophie, mais que celles-ci le fassent évoluer (1). » 

Si le but est juste, enthousiasme et action, chaleur et mouvement se nourrissent mutuellement en des spirales vertueuses. Une telle chaleur, un tel enthousiasme ne sont-ils pas un antidote contre la peur, et un complément salutaire à la recherche de sécurité privilégiée par les mesures gouvernementales ? Et le monde n’a-t-il pas particulièrement besoin de forces d’enthousiasme en ce temps où la confiance en l’avenir est mise à rude épreuve ? 

La confiance, voici encore une autre qualité pour nous guérir de l’ambiance actuelle et dont nous fait cadeau Émilie Strac. Elle peint, des peintures empreintes de douceur, pour faire naître, en plus de la beauté, de la douceur, dans la relation aux enfants, et au-delà, dans toutes les relations sociales. La douceur, qui a besoin de lenteur, la douceur qui soigne les liens. Ses peintures sont aussi imprégnées d’une absolue confiance en la vie. C’est là le geste même qui devrait accompagner la venue au monde d’un enfant. Est-ce alors étonnant qu’elle aime tellement peindre des madones ? Ses madones à elle. Ses madones personnelles, intimes, dont elle fait cadeau au monde. 

C’est avec des moments vécus d’une telle ambiance, aux antipodes du monde que nous vivons, que nous vous souhaitons de passer les dernières semaines de cette année et le temps de Noël. 

Émilie et les autres ont été aidés sur leur chemin par la Fondation, grâce aux dons que nous ont envoyés nos donateurs. Nous espérons qu’en lisant ces lignes, vous aussi ressentez l’envie de faire un petit geste pour aider d’autres talents à se déployer. Vous avez déjà été nombreux à envoyer vos dons à la suite de nos derniers appels, et nous espérons que d’autres ont à cœur de faire de même. Nous sommes profondément reconnaissants à chaque donateur, chaque donatrice. Heureusement, la plupart des instituts de formation que nous soutenons ont trouvé des formes adaptées pour poursuivre et réinventer leur travail. Parallèlement, des demandes de soutien continuent d’arriver à la Fondation, de façon moindre à cause des circonstances, mais de façon régulière. 

Claudia Achour, secrétaire

(1) R. Steiner, Cosmos spirituel et organisme humain, ÉAR, 2004, p. 122

Rapport annuel 2019

Chers amis de la Fondation,

Nous sommes heureux de vous présenter cette nouvelle Lettre ouverte. Outre le rapport d’activité 2019, vous y trouverez l’historique et les perspectives d’avenir du Foyer Michaël, qui devait fêter en juin 2020 ses 50 ans d’existence, ainsi que les témoignages de deux anciennes élèves du Foyer.

Deux responsables de formation évoquent les adaptations mises en place lors du confinement et les réflexions intérieures qu’il a suscitées. Un ancien boursier témoigne de son parcours d’eurythmiste pédagogue.

Enfin, nous évoquons brièvement quelques amis et donateurs qui nous ont quittés récemment.

En s’adaptant aux circonstances et en fonction des possibilités données, la Fondation et les formations continuent leur travail avec confiance et persévérance.

Pour le Conseil de la Fondation,Évelyne Guilloto

Lire le rapport annuel 2019

Coronavirus: Notre humanité dépend des échanges avec les autres

Chers amis de la Fondation,

En bloquant par le confinement bien des maillons de la chaîne habituelle des interactions commerciales et sociales, la réponse à la pandémie de Covid-19 nous met face à une évidence : l’ensemble de la vie humaine est imprégné et porté par les échanges avec les autres. Cette pensée n’est certes pas originale, mais il est facile et courant de n’en percevoir que l’idée et non pas d’en vivre la réalité incontournable, implacable, monumentale. Vivre en totale autonomie de ses semblables ne peut rester qu’une exception, une parenthèse. C’est paradoxalement dans cette période d’isolement physique, qualifiée par tous d’exceptionnelle, que cette réalité devient presque tangible.
Est-ce la déclinaison d’un aspect plus fondamental encore de la nature humaine, laquelle ne peut émerger et subsister que dans l’expression de sa singularité reçue et partagée ? Car tout comme notre existence corporelle dépend du travail d’autres personnes, notre existence et notre santé psychiques dépendent de l’équilibre de notre relation aux autres, du fait que chacun puisse faire partie d’une communauté tout en maintenant sa particularité. Ainsi, à titre d’exemple, on a déjà observé que l’isolement a renforcé les phénomènes d’addiction (1) et qu’à l’inverse, le confinement familial peut renforcer les violences conjugales.

Pour nombre d’entre nous, c’est le sens même de ce que nous faisons pour les autres qui est re-questionné en cette période. Les attentes des autres par rapport à notre contribution au monde en tant qu’individu ou en tant que communauté d’initiative ont-elles changé, ou s’expriment-elles différemment ? Ce sont des questions que nous nous posons au sein de l’équipe de la Fondation. Nous sommes certains que ces questions vivent chez vous, chers amis de la Fondation et en particulier aussi dans les différentes formations d’inspiration anthroposophique. Si vous en avez la possibilité, votre soutien financier aux buts de la Fondation sera particulièrement apprécié en cette période par les étudiants en formation.
Nous espérons que chacun d’entre vous peut faire face aux temps actuels avec sérénité et en confiance dans les forces de renouveau qu’apportent les nouvelles générations.

François Lusseyran
Président
Jonas Lismont
Trésorier adjoint

Les étudiants vous remercient

C’est avec une grande joie que j’ai reçu votre mail, et je vous remercie grandement pour le soutien que vous m’accordez. Hélène L., Foyer Michaël (Année de formation générale)

Merci beaucoup pour ce prêt. Je suis très heureuse de pouvoir finaliser ce que j’ai commencé et de pouvoir vivre une vocation. Magali R., Didascali (Pédagogie)

Merci beaucoup encore !!! C’est très très gentil, vraiment. Je vous raconterai quand j’aurai des nouvelles. Beatrix P., Foyer Michaël (Année de formation générale)

Je remercie toutes celles et tous ceux qui ont participé au prêt qui m’avait été accordé et qui m’avait permis de suivre les cours en art-thérapie de Genève. Cornélia B., (Thérapie artistique)

Je continue mon chemin vers l’installation agricole tout en défrichant les nouveaux aspects de l’anthroposophie ; à chaque nouvelle rencontre, un nouvel horizon ! La vie est belle. Merci ! Nathalie B., BPREA (Biodynamie)

Un grand merci pour votre travail et les réponses très rapides que vous m’avez toujours données. Actéon est un endroit formidable et les bourses de la Fondation Paul Coroze aident vraiment bien à créer la dynamique qui vit. C’est une école et un réseau de personnes qui me font grandir et vibrer. Yves D., Actéon (Théâtre)

Image : Yves D., Actéon

Lettre ouverte aux amis de la Fondation

Lire la lettre ouverte (PDF)

Editorial: Le don et le pardon

L’emprise de l’économie sur toutes les sphères de vie de l’humanité est un fait très généralement reconnu, qu’on s’en félicite ou qu’on s’en alarme. Il s’agit d’une orientation lourde qui n’a rien de fortuite. Rudolf Steiner l’avait parfaitementidentifiée dès 1919 : « La volonté de laisserprévaloir le système économique est inscrite en caractères indélébiles dans l’évolution humaine. Il faudra donc employer des forces puissantes pour provoquer un revirement de cette tendance. Vous devez penser à la première étape de ce nouveau chemin. Nous devons émanciper la vie spirituelle. Elle doit être organisée suivant des bases qui lui soient particulières. (…) Toute l’instruction, depuis les classes primaires jusqu’au plus haut degré, doit être dissociée de la vie de l’État (1), elle doit également se développer en dehors de toute arrière-pensée économique (2). »

La solution proposée, à savoir une véritable indépendance de la sphère culturelle, ne semble toujours pas à portée de main. À cela au moins deux raisons. L’absence de confiance toujours plus marquée dans la créativité libre de l’être humain d’une part, qui s’allie, d’autre part, à une volonté toujours plus insistante d’une régulation comptable du monde. Ce sont deux conséquencesd’une même cause : la vision mécaniste du monde. « … Le monde deviendrait, dans ces conditions,une énorme machine comptable. Il serait administré comme une sorte d’usine. Que deviendraient les capacités et les valeurs individuelles, celles dont l’organisme social se nourrit si, à la place du trône et de l’autel, on voyait s’installer le bureau, l’usine et la machine ? S’il devait en être ainsi, les capacités et les valeurs individuelles dépériraient, elles seraient frappées de paralysie (3) ». Il ne s’agit bien sûr pour R. Steiner ni de réinstaller la puissance du trône, ni le pouvoir de l’autel.

Heureusement, simultanément à cette perte de vie, les manifestations individuelles se renforcent dans bien des domaines de la société civile et même dans la sphère des États. L’existence des fondations ou des ONG laisse une porte ouverte à l’initiative libre. À ce niveau, le don, même incitéfiscalement, émerge comme acte essentiel.

Dans son essence, le don dépasse largement le rôle de soupape de rééquilibrage d’une économie qui ne sait pas trouver mécaniquement un équilibre des richesses. Il est l’une des formes constitutives du fonctionnement d’une économieet d’une finance saines. Et même au-delà, l’unedes composantes inséparables de notre maintien personnel et collectif dans l’humanité.

On doit à Michel Serres une réflexion approfondie sur un lien déjà établi par la langue française elle-même : don et pardon venant tous les deux du latin « donare » et « perdonare » (4). On retrouveune connotation très voisine en anglais avec « to give » et « to forgive » de même qu’en allemandavec « geben » et « vergeben ». Servons-nous de cette parenté, pour placer le don à sa valeur, encherchant ce que peut signifier ne pas pardonner,c’est-à-dire céder à la vengeance, comme on peut le vivre de façon extrême dans le drameThyeste de Sénèque. On mesure alors combien la loi du Talion, exprimée dans l’Antiquité judaïque et grecque, a pu représenter un premier pas de modération dans l’histoire de la civilisation occidentale. Mais, au-delà de ce premier pas, 2000 ans après le nouvel apport central du Christ sur le pardon, on constate plus que jamais, qu’être hors du pardon, c’est abandonner toute possibilité d’humanité. Dans cette perspective, que penser d’un idéal social qui aspire à donner la primauté à la loi du marché, c’est-à-dire à une réciprocité la plus mécanique possible pour satisfaire tous les besoins ? Dans cette vision, le don n’est plus qu’un accidentel fruit d’une émotion, considéré au mieux comme un pis-aller et au pire comme une dangereuse source d’aliénation.

Laissons résonner en nous l’idée que le don sur le plan économique est aussi vital et de même nature que le pardon sur le plan de la vie de l’âme. Don et pardon sous toutes leurs multiples formes constituent les ferments nécessaires pour un avenir vivant.

François Lusseyran
Suite à un échange d’idées avec Philippe Leconte

Notes

1. Il s’agit de l’autonomie intellectuelle et financière des acteurs del’enseignement à qui l’état donne le cadre juridique de cette liberté
2. R. Steiner, Les arrière-plans spirituels du problème social – Impulsions du passé et d’avenir dans la vie sociale, ÉAR, 1977, p. 47, GA 190
3. Ibid., p. 49
4. Michel Serres – Le pardon, c’est le don par excellence dans « Le Sens de la vie » sur France Info (22/09/2013)

Lire la lettre ouverte (PDF)